mercredi 6 octobre 2010

Arthur Janov - "Le corps se souvient"

Voici quelques extraits du livre "Le corps se souvient", écrit en 1996 par le Dr Arthur Janov.


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De son côté, dans un laboratoire de biologie, une amibe, être unicellulaire, nage dans une boîte de Pétri. Un chercheur ajoute quelques gouttes d'encre de Chine à l'eau du récipient. L'amibe absorbe le pigment et le conserve dans une vacuole. Puis il remplace l'eau polluée par de l'eau fraîche. L'amibe évacue alors les granulés d'encre, reprend son état normal et retourne à ses occupation. (...)
Le comportement de cet organisme unicellulaire microscopique si primitif est néanmoins révélateur et nous permet de mieux comprendre la névrose humaine, car il est, sous l'angle de l'évolution, le prototype du devenir humain. La manière dont l'amibe traite l'intrusion étrangère de l'encre de Chine est analogue à celle dont nous traitons nos traumatismes. dans les deux cas, un agent de stress provoque dans l'organisme une mobilisation des défenses et modifie son fonctionnement normal. L'amibe enferme les granulés indésirables dans des vacuoles; nous refoulons l'information nocive et la stockons dans notre cerveau ou, plus exactement, dans notre système limbique, ce qui nous permet de survivre malgré nos frustrations. Peut-être devrions-nous parler de mécanisme de survie, et non de névrose, pour qualifier notre comportement.(...)
Les manifestations que nous qualifions de névrotiques . nervosité et anxiété, peurs et appréhensions, "manque de confiance en soi" et "idées noires", obsessions et compulsions - sont simplement les signes extérieurs de la souffrance enfouie dans l'inconscient. Au fur et à mesure qu'elle s'accumule, le refoulement s'installe doucement, sans qu'on s'en aperçoive. Et dès qu'il nous a complètement investis, nous perdons tout contact avec ce que nous sommes. Notre organisme s'arrange pour continuer à vivre en enfonçant notre souffrance au plus profond de nous-mêmes, mais elle est toujours là. Une carence affective de l'enfance ne disparaît pas au fur et à mesure que nous grandissons. Le traumatisme refoulé demeure dans nos cellules sous forme d'empreinte (apparté - selon Arthur Janov, NOUS sommes l'empreinte...), comme l'encre de Chine dans la vacuole de l'amibe.

...La thérapie primale aide le gens à affronter cette réalité intérieure, qui n'a rien à voir avec l'estime de soi, le sentiment de valeur personnelle ou l'ego, et qui n'a que faire d'exercices de visualisation créatrice ou de renforcement d'images. C'est autour de ce besoin fondamental de l'être humain que tournent la névrose et les maux qui l'accompagnent. Tant que vous éviterez de voir en face votre véritable histoire et vos besoins insatisfaits, sur le plan social et psychologique, vous ne pourrez guérir, et l'on vous prescrira des traitements ne soignant que les symptômes. Ils seront bien entendu inopérants, et la souffrance primale (NDLR - Primal(s) : Un primal est une expérience où le sujet revit une souffrance précoce dans son contexte initial. Employé comme adjectif, primal qualifie tout ce qui renvoie aux toutes premières expériences ayant marqué le sujet.) qui est la source de vos troubles continuera à vous ronger. Les maladies d'origine émotionnelle, telles que la dépression, l'angoisse et les troubles obsessionnels compulsifs, sont généralement soignées à l'aide d'antidépresseurs ou d'électrochocs, cette dernière thérapie faisant malheureusement sa réapparition de nos jours en pédiatrie. Les traitements des affections physiologiques comme les ulcères sont de plus en plus lourds, utilisent des médicaments de plus en plus forts, et font souvent même appel à la chirurgie. Pourtant, si les gens pouvaient identifier et expérimenter la source de la douleur qui a lésé leur système, leur souffrance pourrait être évitée. Se tourner vers le besoin et non pas l'ignorer, le droguer ou le forcer à se dissimuler, telle est la seule manière de normaliser les cellules et de restaurer cet équilibre de l'organisme que l'on appelle homéostasie.

...Quelle est la cause du refoulement? la souffrance. Elle survient lorsqu'un traumatisme ou une carence précoces ont une ampleur qui excède la capacité de réaction de l'organisme. Cette souffrance stimule à son tour la production des agents du refoulement que sont les endorphines et les autres analgésiques naturels.

...Lorsque l'apparition du traumatisme a créé le besoin d'une force compensatoire, le cerveau s'est adjoint un cortex pour que nous puissions trouver une issue à nos difficultés. Nous avons ainsi acquis l'intelligence et la pensée abstraite, et nous vivons maintenant "dans notre tête", convaincus que seul l'intellect peut résoudre nos problèmes. Mais nous avons fait fausse route, puisque en utilisant les outils qui précisément invalident les sentiments, nous nous en sommes rendus intérieurement inaccessibles. Et nous sommes désormais nantis d'un mécanisme de survie qui nous rend souvent malades et nous fait parfois mourir avant l'heure.

...La carence affective de notre enfance met notre système en état d'alerte chaque fois que, pensons-nous, nos besoins ne vont pas être satisfaits. Notre corps produit alors des hormones pour pouvoir supporter le stress de ce souvenir...Or d'après notre expérience, lorsque des patients adultes affrontent et revivent les frustrations affectives de leur enfance, leur taux d'hormone de stress diminuent. Voilà donc ce qu'il faut faire si l'on veut changer les choses. Mais tant que nous continuons à refouler nos sentiments d'enfance, nous traverserons la vie partiellement inconscients. Et il semble malheureusement qu'une bonne partie de notre population soit en effet somnambule.
L'individu surmené qui, persuadé qu'il ne peut prendre de vacances, ne tient pas en place et ne s'arrête jamais, est malade. Le "big-bang" de la douleur éprouvée dans son enfance s'amortit au cours du temps et il s'efforce continuellement d'éviter le sentiment d'impuissance, passé ou présent, généré par sa souffrance initiale. Absorbé par ce refoulement, son cerveau sans cesse activé produit une énergie qui doit trouver un exutoire. Celui-ci prend généralement la forme d'une maladie. Son hyperactivité a commencé juste après sa naissance, lorsqu'on le laissant tout seul pendant des heures ou des journées entières; elle s'est développée alors qu'il se sentait négligé par une mère malade ou dépressive; elle s'est exacerbée devant l'attitude d'un père tyrannique ou hostile; et c'est à cause d'elle qu'il aura peut-être une attaque à soixante-cinq ans le laissant partiellement paralysé.

...La réalité actuelle ne peut compenser les frustrations de notre enfance. Aussi fort que l'on nous aime à l'âge adulte, nous resterons sur notre faim et ressentirons toujours le manque de cet amour qui nous a fait défaut au départ. Même si l'on ne tarit pas d'éloges sur nous, nous serons sensibles à la moindre critique, parce qu'elle fait écho à un passé où l'on nous désapprouvait sans cesse. Dans notre cerveau, "jadis" équivaut à "maintenant". Il n'y aura jamais assez d'amour dans le présent pour changer le passé, jamais assez de compliments pour compenser cette période de notre vie où nous n'avons essuyé que réprimandes ou reproches.

...Tout cela nous permet d'éclaircir certains des grands mystères de la science: qu'est-ce qu'un être humain? Qu'est-ce qu'une névrose? Pourquoi les gens sont-ils angoissés ou déprimés? Que s'est-il passé dans leur enfance? Pourquoi sont-ils tombés malades? Comment peuvent-ils guérir? En cherchant les réponses à ces questions, les scientifiques se sont enf ait éloignés des véritables solutions. Ils ont minutieusement analysé la vie humaine, ils ont démonté les êtres humaines cellule par cellule, en mesurant leur formule sanguine, leurs taux hormonaux, et il ont oublié l'être humain global. Cette méthode les a empêchés de découvrir la spécificité humaine et les raisons qui l'expliquent. Philosopher sur la nature fondamentale de l'homme ne nous a pas mieux réussi, puisque nous sommes à présent enfermés "dans notre tête", coupés des sentiments et des forces qui nous auraient donné les réponses que nous cherchions. On ne peut comprendre une "névrose"; il faut la ressentir. Les sentiments ont une logique qui leur est propre.

...Dans le traitement de la névrose, il ne peut émerger de vérité sans souffrance. Être simplement conscient de soi-même , sans le ressentir, ne veut pas dire que l'on est soi-même. On n'est alors que l'observateur objectif d'un moi coupé en deux. Réunir les deux moi est forcément douloureux, puisque c'est la douleur qui les maintient séparés. La souffrance active est la première étape importante du processus de guérison. Aussi effrayante qu'elle paraisse, nos patients ont hâte de venir au Centre (Primal Therapy Center, Centre de thérapie primale) l'éprouver, car à chaque séance, une partie de la douleur sort du système et n'aura plus besoin d'être revécue. Il n'y a rien de tel que sentir son fardeau s'alléger.
Il ne faut pas avoir peur de l'inconscient. On n'y trouve que soi-même: le nourrisson perdu et désemparé, le petit enfant innocent et triste, l'enfant qui grandit, plein de colère et de rage. En accompagnant nos patients dans les profondeurs de leur inconscient, nous n'avons toujours pas vu les mystères décrits par la littérature psychiatrique. L'inconscient n'est pas la chambre forte d'une fantasmagorie dantesque. On n'y trouve ni les démons du XVIIIe siècle ni les forces de l'ombre ou le ça des freudiens, pas de conscience mystique à laquelle aspirer, rien qui implique un processus de transcendance. Ne nous y attend finalement qu'un tout petit moi, triste et terrifié.

...Un enfant que l'on aime sent ses besoins naturels comblés. L'amour qu'on lui témoigne lui épargne toute sa souffrance. L'enfant mal-aimé souffre, lui, parce qu'il est frustré. Celui qui n'a pas manqué d'affection ne recherchera pas plus tard les compliments, car il n'a pas été dénigré. Sa valeur repose sur ce qu'il est, et non sur ce qu'il doit faire pour satisfaire les besoins parentaux. Il ne deviendra pas un adulte affligé de boulimie sexuelle. Ses parents l'auront suffisamment pris dans leurs bras et caressé, et il ne cherchera pas à utiliser la sexualité pour compenser les frustrations de son enfance. Un besoin réel s'exprime de l'intérieur vers l'extérieur et non l'inverse. le besoin d'être pris dans les bras et caressé fait partie du besoin fondamental de stimulation. Notre peau est un organe sensoriel très étendu qui, comme les autres, doit être stimulé au début de la vie, sous peine de conséquences désastreuses. Un organe non stimulé s'atrophie, et pour bien nous développer, nous devons être constamment stimulés mentalement et physiquement.
Chez l'être humain, les besoins insatisfaits prennent le pas sur toute autre activité tant qu'ils ne sont pas comblés. Ils doivent l'être pour que l'enfant puisse ressentir, pour qu'il puisse expérimenter son corps et son environnement. Dans le cas contraire, il n'éprouve que la tension provoquée par le sentiment d'être déconnecté de sa conscience. Privé de cette connexion, le névrosé ne ressent rien.
La névrose ne commence pas au moment où l'enfant refoule son premier sentiment, mais le processus névrotique s'engage. L'enfant se ferme par étapes. Chaque fois qu'il refoule et nie un besoin, il se mure un peu plus, jusqu'au moment crucial où il est définitivement découragé. Il fonctionne dès lors sur un double mode comportant un vrai et un faux moi. Le vrai moi est celui des besoins et des sentiments réels de l'organisme. Le faux moi est ce masque, cette façade qu'exigent les parents névrotiques (mon ajout: narcissiques...) pour combler leurs propres besoins. Un père qui veut se sentir respecté, parce qu'il a été constamment humilié par ses propres parents, exigera de ses enfants qu'ils lui obéissent au doigt et à l'oeil, sans jamais lui tenir tête ni lui refuser quoi que ce soit. Un parent immature voudra que son enfant grandisse rapidement et lui fera faire toute les corvées, afin que celui-ci, devenu adulte bien avant l'heure, le prenne en charge comme son propre enfant.
Un besoin parental est d'ordre implicite pour l'enfant. Quasiment dès sa naissance, il commence à s'efforcer de satisfaire ses parents. Ceux-ci l'incitent à sourire, à gazouiller, à agiter la main pour dire au revoir, à s'asseoir et à marcher, et ne cessent de le presser afin de pouvoir se glorifier de sa précocité. Il doit en grandissant accomplir des performances de plus en plus compliquée: n'avoir que des bonnes notes à l'école, se montrer serviable et s'acquitter des corvées sans broncher, être bien sage et peu exigeant, parler intelligemment et être un bon sportif. La seule chose que personne ne lui demande, c'est d'être lui-même. A chacune des milliers d'interactions avec ses parents où l'un de ses besoins personnels fondamentaux est nié, l'enfant souffre. Il ne peut être lui-même et se sentir aimé. Ces besoins frustrés, qu'on ne lui permet pas d'exprimer ni de satisfaire, lui infligent de profondes blessures qui deviendront les souffrances primales refoulées ou niées de la conscience.
Chaque fois que des parents refusent de prendre leur enfant dans les bras, chaque fois qu'ils le font taire, qu'ils le ridiculisent, qu'ils l'ignorent ou qu'ils exigent trop de lui, ils ajoutent une meurtrissure supplémentaire dans son réservoir de souffrance, que j'appelle réservoir primal. Jusqu'au jour où un événement qui n'aura rien de particulièrement traumatisant en lui-même - par exemple la centième fois où, comme d'habitude, ils confieront pour la soirée leur enfant à une baby-sitter - modifiera l'équilibre entre le vrai et faux moi et provoquera le fameux clivage. Ce moment dans la vie du petit enfant, que j'appelle "la scène primale majeure", est celui où il réalise qu'il n'a aucun espoir d'être aimé pour lui-même. Il ne s'en rend pas compte consciemment, mais va désormais se conforter aux désirs de ses parents. Il utilisera leurs mots et se conduira comme eux. Il n'agira plus de manière authentique et méconnaîtra la réalité de ses propres besoins et désirs. Très rapidement, son comportement névrotique deviendra automatique.
Plus la pression des parents est forte, plus le clivage est profond chez l'enfant entre son moi réel et son faux moi. Il se met à parler et à se déplacer comme on le lui a appris, il ne touche pas son corps aux endroits interdits (ce qui l'empêche littéralement de se sentir lui-même), il ne manifeste ni exubérance ni tristesse, etc. Le clivage est cependant nécessaire chez un enfant fragile, car ce réflexe automatique lui permet de préserver son équilibre mental. La névrose est donc une défense de l'organisme contre une réalité catastrophique dont il se protège, afin de poursuivre son développement et de maintenir son intégrité psychophysique.
Être névrosé, c'est être ce que l'on n'est pas, pour obtenir ce qui n'existe pas. L'enfant qui ne manque pas d'amour sera lui-même, car telle est la nature de l'amour, qui permet à autrui d'être ce qu'il est. Comme vous le voyez, on ne trouve pas toujours un horrible traumatisme à l'origine d'une névrose. Elle peut survenir chez l'enfant que l'on force à ponctuer toutes ses phrases d'un "s'il-vous plaît" et d'un "merci", pour bien montrer le raffinement de ses parents, ou chez celui qui n'a pas le droit de se plaindre ni de pleurer quand il est malheureux. C'est sans doute à cause de leur propre anxiété que ses parents le forcent à réprimer ses sanglot. Ceux qui ne supportent aucune manifestation de colère - une gentille petite fille est toujours de bonne humeur, un petit garçon bien élevé ne répond pas à ses parents - veulent prouver qu'ils sont des parents respectés, et l'enfant comprend très vite le rôle qu'on lui demande de jouer. C'est le désespoir de n'avoir jamais été aimé qui provoque le clivage. L'enfant doit accepter que ses besoins ne seront jamais satisfaits, quoi qu'il fasse, et il développe alors des besoins de substitution qui, eux, sont névrotiques.
Prenons l'exemple d'un enfant constamment dénigré par ses parents. A l'école, il ne cesse de bavarder et de se faire punir par son instituteur; dans la cours de récréation, il fanfaronne et se met à dos les autres enfants. Une foi adulte, il aura des exigences visiblement symboliques, en réclamant par exemple "la meilleure table de la maison" dans un restaurant de luxe. A vrai dire, obtenir cette table ne diminuera en rien son "besoin" de se sentir important, car sinon pourquoi cette scène se renouvellerait.elle chaque fois qu'il mange en ville? Coupé de son authentique besoin inconscient d'être reconnu et apprécié, il trouve un "sens" à son existence en étant accueilli comme un client de marque dans des restaurants prestigieux.
A leur naissance, les enfants ont donc des besoins biologiques dont certains, pour diverses raisons, ne sont pas satisfaits par leurs parents. Parfois, ceux-ci ne comprennent tout simplement pas les besoins de leur enfant; ou, bien, de peur de se tromper, ils suivent à la lettre les conseils d'un spécialiste éminent et vont nourrir leur enfant à heures fixes, le sevrer à la date prévue et lui apprendre la propreté dès que possible.
Je ne crois pas, néanmoins, que ces raisons puissent expliquer l'abondance exceptionnelle de névroses qu'a produites notre espèce depuis les débuts de l'histoire de l'humanité. Si tant d'enfants deviennent des névrosé, c'est, selon moi, parce que leurs parents sont toujours aux prises avec les besoins insatisfaits de leur propre enfance. Paradoxalement, une femme peut choisir d'être enceinte pour qu'on la dorlote comme un bébé, car c'est en fait ce qui lui a manqué toute sa vie. Sa grossesse, qui lui permet de satisfaire son propre besoin, n'a rien à voir avec le désir d'apporter sa contribution à la société humaine en mettant au monde et en élevant un enfant en bonne santé. Tant qu'elle se sentira le centre de l'attention, cette femme sera relativement heureuse. Mais aussitôt après l'accouchement, elle fera une grave dépression et en voudra peut-être à son enfant de l'avoir privée des égards dont elle était l'objet pendant sa grossesse. N'étant pas prête à assumer sa maternité, elle n'aura pas assez de lait pour allaiter, et le nouveau-né souffrira de mêmes carences affectives qu'elle a subies dans son enfance. Tel est le cycle apparemment sans fin qui inflige aux enfants les mêmes frustrations que leurs parents.

...Pour que nous nous développions normalement, certains besoins fondamentaux doivent être satisfaits au début de notre vie. Nourriture, chaleur, attention, affection, soins et protection nous sont nécessaires, mais avant tout, pour nous maintenir en vie, nous ne devons pas manquer d'oxygène.
Quelques minutes sans oxygène peuvent gravement endommager le cerveau ou entraîner la mort. Les êtres humains ne peuvent vivre sans oxygène, c'est évident, et ce besoin primordial fait lui aussi partie de notre sécurité affective. Être aimé, c'est sentir tous ses besoins satisfaits, à commencer par le besoin physique fondamental d'oxygène.
Malheureusement, la névrose se forme parfois avant même notre naissance. On donne trop souvent à la mère au cours de l'accouchement de fortes doses d'anesthésique pour calmer la douleur, et celui-ci agit directement sur les fonctions vitales du foetus qui n'accède plus librement à l'oxygène, ce qui peut rapidement menacer sa vie. la situation est la même lorsque le cordon ombilical est comprimé, lorsqu'il s'enroule autour du cou du bébé, ou lorsqu'une dilatation insuffisante bloque sa sortie. Il arrive aussi que le cordon ombilical soit coupé trop tôt, et l'oxygène dont a tant besoin l'enfant reste alors dans le placenta.
Lorsque le foetus manque d'oxygène, ses appareils circulatoire et respiratoire ne fonctionnent plus et son corps s'agite frénétiquement. Cette réaction normale montre qu'il lutte contre la mort, mais en l'occurrence, il vaudrait mieux pour lui ne pas se débattre, car sa panique accroît ses difficultés. On observe alors le syndrome de détresse foetale, caractérisé par une accélération du rythme cardiaque, une élévation de la tension artérielle et des difficultés respiratoires. Au Primal Center, nous voyons sans cesse nos patients revivre le traumatisme de leur naissance et les violentes réactions physiologiques qui l'ont accompagné. Celles-ci sont terriblement dangereuses, car si elles se prolongent, elles peuvent entraîner la mort, puisqu'en se débattant le foetus consomme davantage d'oxygène et aggrave donc la pénurie. Plus il lutte, plus le cordon se tend, et plus il s'asphyxie.
Deux possibilités s'offrent alors au foetus: soit sa frénésie épuise ses réserves d'oxygène et modifie l'équilibre acido-basique du sang, soit le refoulement intervient pour juguler sa panique et préserver l'oxygène nécessaire à a survie. Dans chacun des cas, le mécanisme demeure inconscient. Cette toute première réaction devient un prototype gravé chez le bébé sous forme d'"empreinte" qui resurgira plus tard, chaque fois qu'il subira un stress. non seulement, cette empreinte modèlera sa personnalité, mais c'est elle qui, à l'âge adulte, provoquera les pathologies, et même déterminera son espérance de vie.
Notre corps garde en mémoire la douleur refoulée. Le souvenir de ce manque d'oxygène, ou anoxie, va élire domicile dans les cellules, un peu comme la substance nocive qu'est l'encre de Chine dans l'exemple déjà cité. Et c'est là qu'il demeure, imprimé dans la cellule avec l'impression d'urgence et de mortel danger ressentie lors de l'événement initial, attendant son rappel à la conscience. Chez nombre d'entre nous, il y restera toute la vie et affectera indéfiniment notre santé et notre mode de fonctionnement dans le monde extérieur.
un traumatisme de naissance comportant une anoxie peut avoir des conséquence catastrophiques et susciter toute sortes de maladies infantiles, dont les allergies, l'asthme, les crises d'épilepsie, le trouble déficitaire de l'attention et la mort subite du nourrisson. Par la suite, à l'adolescence ou à l'âge adulte, il pourra provoquer dépression et tentative de suicide, syndrome de fatigue chronique, crises de panique, phobie, paranoïa et psychose.
Même si beaucoup d'entre nous n'ont pas oublié les réprimandes et les fessées qu'ils ont reçues tout petits, il semble incroyable que nos souvenirs puissent remonter jusqu'à notre naissance. Les souvenirs les plus puissants sont néanmoins ceux qui ne sont pas verbalisés. Aucun mot, aucune idée ne peuvent être utilisés pour définir ce expériences traumatisantes précoces, pour les comprendre et raisonner à leur propos.

...Pour la plupart d'entre nous, notre naissance est la toute première expérience mettant en jeu la vie et la mort. Qu'elles se traduisent par de terribles efforts couronnés de succès ou par un bref combat écourté par l'anesthésie, nos réactions seront par la suite toujours associées à l'issue de cette expérience. et comme nous avons finalement survécu, chaque fois que nous nous retrouverons dans une situation alarmante, nous réagirons de la manière qui nous a initialement maintenus en vie. Peut-être cela explique-t'il les récits de ceux qui, après avoir failli mourir, racontent que "toute leur vie est repassée devant leurs yeux" à toute allure. Soumis au terrible stress de la proximité de la mort, comme dans le cas d'une noyade, notre cerveau s'efforce de trouver dans notre histoire des indices pouvant l'aider à survivre. Ce défilement rapide aboutit finalement au prototype qu'a été notre premier combat pour la vie ou, en l'absence de traumatisme natal, à d'autres souvenir pénibles de notre petite enfance.
Si certains d'entre nous se retrouvent figés et paralysés lorsqu'ils doivent parler en public, c'est parce que l'immobilité et la paralysie ont au départ sauvé leur vie. Quelle autre explication donner à leur attitude? Parler devant un auditoire n'a rien en soi de particulièrement dramatique, et seule notre histoire peut expliquer ce malaise, dû au fait que la situation entre en résonance avec un souvenir traumatisant. Voilà pourquoi je soutiens qu'un traumatisme précoce continue à nous affecter toute notre vie. Les souvenirs de notre passé prennent constamment le pas sur notre situation actuelle et modèlent nos perceptions et nos comportements.

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